Vivre avec le purpura Thrombotique Thrombocytopénique
Depuis 6 ans, Gwenaelle vit avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête : le risque d’un nouvel épisode de Purpura Thrombotique Thrombocytopénique acquis (PTTa). Cette maladie rare du sang, difficile à diagnostiquer et à traiter, l’a plongée dans le coma à l’âge de 25 ans.
Malgré les répercussions sur son quotidien, les visites régulières à l’hôpital et les traitements contraignants, elle a décidé de vivre et de travailler normalement. Pour soutenir les autres patients, sensibiliser les médecins à l’accompagnement des malades, encourager la recherche et faire connaître la maladie, elle s’investit activement dans l’association ADAMTS13. Les dernières avancées médicales lui apportent l’espoir de vaincre un jour sa maladie…
Qu’est-ce que le PTTa ?
Le PTTa est une maladie rare et grave du sang qui, chaque année en France, conduit 130 patients aux urgences, en réanimation, en cardiologie ou en néphrologie. Il se manifeste par une anémie due à une baisse du nombre de globules rouges et une chute sévère du taux de plaquettes sanguines qui entrainent la défaillance d’organes vitaux : le cœur, le cerveau, les reins. Un diagnostic rapide est crucial pour traiter le patient rapidement et lui sauver la vie.
Le Purpura Thrombotique Thrombocytopénique acquis est causé par des auto-anticorps qui inhibent l’activité de la protéine ADAMTS13 dans la circulation sanguine et provoquent la formation, dans les petits vaisseaux sanguins, de caillots appelés « microthrombi ». Ils sont à l’origine d’infarctus, d’AVC, d’insuffisance rénale…
Chez vous, quels ont été les symptômes de la maladie ?
En juin 2015, j’ai éprouvé une grande fatigue que j’ai attribuée à un excès de travail. Mais un matin, je me suis réveillée avec des taches rouges (purpura) sur le pied et du sang dans les urines. SOS Médecin m’a immédiatement envoyée aux Urgences faire une prise de sang. Pendant les 3 heures d’attente, le purpura s’est étendu. Les résultats de la prise de sang ont révélé un taux de plaquettes extrêmement bas. L’équipe médicale m’a gardée en observation pour la nuit, avec un traitement.
Combien de temps a-t-il fallu aux équipes soignantes pour poser un diagnostic de PTTa ?
Les jours suivants, mon état s’est dégradé : j’avais le teint et les yeux jaunes. J’étais trop faible pour me lever et marcher. Au bout de 5 jours d’examens, l’équipe médicale a enfin diagnostiqué un PTTa et m’a fait transférer à Marseille.
Quel a été alors votre parcours de soin hospitalier ?
Le lendemain de mon arrivée à Marseille où j’ai finalement passé 1 mois et demi, j’ai fait un AVC. Je suis restée plusieurs jours dans le coma, heureusement sans séquelle neurologique. Puis j’ai affronté 23 séances de plasmaphérèse (échange du plasma sanguin) associées à une prise en charge ciblée. J’ai également été traitée pour l’anémie et une tachycardie (battements trop rapides du cœur).
Avez-vous été suivie à la sortie de l’hôpital ? Avez-vous connu des épisodes de rechute ?
Une fois la crise passée, il faut surveiller la numération plaquettaire et l’activité de l’ADAMTS13 pour éviter les rechutes qui touchent 30 à 50% des patients. Je fais donc régulièrement des prises de sang et des consultations à l’hôpital. En 6 ans, je n’ai pas vécu d’autre épisode, mais c’est une épée de Damoclès au-dessus de ma tête. On sait que la combinaison de deux facteurs, pas tous connus à ce jour, suffit à provoquer une récidive : par exemple, un taux d’ADAMTS13 bas et un virus ou une grossesse. Or, mon taux d’ADAMTS13 reste très bas, ce qui, depuis 2 ans, entrave mon projet de grossesse…
Comment vivez-vous au quotidien avec cette maladie rare du sang ?
Vivre un épisode de PTTa est une expérience très stressante. Les visites à l’hôpital et les traitements réguliers me rappellent que je suis malade. J’ai toujours sur moi une ordonnance de prise de sang en urgence, au cas où… La maladie a déclenché des douleurs articulaires qui, même si elles sont traitées efficacement, empêchent de longues randonnées. J’ai pris du poids, souffre d’une forte pilosité, de grosses fatigues, d’une sensibilité très forte aux doigts… Pour faire remonter mon taux d’ADAMTS13 et réaliser mon désir d’enfant, je teste divers traitements en hôpital de jour sous haute surveillance. C’est contraignant et, chaque fois, je perds une journée de salaire. Ma chance est d’avoir un employeur très compréhensif sur mes absences.
Pouvez-vous présenter l’association de patients ADAMTS13 au sein de laquelle vous êtes très active ?
L’association soutient les patients atteints de PTT acquis ou de PTT héréditaire (encore plus rare), qui cherchent du réconfort psychologique et des informations sur la maladie. Nous initions des échanges en visio-conférence sur nos parcours et nos traitements respectifs.
Nous menons des actions pour faire avancer la recherche, en proximité avec le CNR-MAT (Centre de référence des maladies rares). Nous œuvrons pour développer le niveau de connaissance des médecins sur cette maladie rare et grave afin d’accélérer le diagnostic et la prise en charge des patients.
Nous sensibilisons les soignants, souvent focalisés sur les aspects médicaux et biologiques, aux traumatismes vécus par les patients et à la nécessité d’une meilleure pédagogie sur la maladie et d’un accompagnement plus global sur la durée.
Que vous apporte l’association ?
C’est magnifique d’être soutenue par des personnes qui comprennent ce que vous avez vécu et vous apportent leur connaissance de la maladie et des prises en charges. Grâce à ces éclairages divers, on devient proactif dans la gestion de sa propre maladie et dans ses relations avec son médecin. Je regrette de ne pas avoir été suffisamment incitée à contacter l’association ADAMTS13 dès ma sortie de l’hôpital. L’association m’aurait aidée à gérer mon stress post traumatique, à comprendre les mécanismes de la maladie, à identifier les symptômes à surveiller, à connaitre les risques d’une grossesse que les médecins n’avaient jamais évoqués avant que je ne leur parle de mon projet. J’ai l’intention de m’investir de plus en plus dans l’association.
Quels messages d’espoir aimeriez-vous transmettre aux autres patients atteints de PTTa ?
A travers mes échanges avec d’autres patients, je constate que depuis 2015, il y a eu beaucoup d’avancées sur la compréhension de la maladie et sa prise en charge médicale. De nouveaux traitements permettent de réduire le nombre de plasmaphérèses qui comportent des risques (j’ai fait une embolie gazeuse en raison de la défaillance d’une machine). Ils limitent la durée d’hospitalisation à 15 jours, ce qui diminue le stress. Ces progrès sont très encourageants et porteurs d’espoir. Les membres de l’association ADAMTS13 sont rassurés de voir que les laboratoires cherchent de nouveaux traitements et sensibilisent les soignants à la maladie. Ils se mobilisent derrière eux pour soutenir les patients. J’ai bon espoir qu’un jour nous soyons débarrassés de la maladie !