Tribune - Recrutement des jeunes : redonner confiance, créer la rencontre et casser les barrières

Publié le: 19 avril 2024
Nicolas Pouchain, Responsable Talent Acquisition, Diversité, Equité & Inclusion chez Sanofi France, et Saïd Hammouche, Président et Fondateur de la Fondation Mozaïk sont photographiés ensemble, face à l’objectif
Nicolas Pouchain, Sanofi France et Saïd Hammouche, Fondation Mozaïk ©Sanofi
En matière de diversité en entreprises, l'heure n'est plus à l'amélioration mais à l'accélération ! Trop de jeunes hésitent à postuler à certains emplois en raison de leurs origines, aussi bien sociales que géographiques, alors même qu’ils sont diplômés du supérieur. Et quand ils suivent un process de recrutement, un tiers d’entre eux adoptent une stratégie d’évitement en modifiant leur adresse, leur expérience ou en ne joignant pas de photo à leur CV. Une tendance confortée par l’enquête réalisée par l'institut d'étude CSA Research pour Sanofi en partenariat avec la Fondation Mozaïk début 2024*. Une large partie des 18-24 ans estime que le recrutement est pollué par un ensemble de jugements discriminatoires comme l’apparence physique ou l’appartenance sociale.

Une réalité déconcertante, surtout si l’on considère la pénurie de talents dans certains secteurs.  Il est aujourd’hui urgent d’opérer des changements pour que les organisations reflètent vraiment la diversité de la société en attirant des individus de tous horizons. Dans un contexte de tension sur certains métiers, y compris dans les secteurs de l’industrie et de la santé, il est absurde de se priver de candidats formés, disponibles et souvent motivés.

Les entreprises ont tout à gagner dans cette démarche

De nombreuses études démontrent un lien fort entre performances économiques et diversité. Selon l’Organisation Mondiale du Travail, 75% des organisations favorisant la diversité de genre dans les postes à responsabilité observent une augmentation de leurs bénéfices de 5 à 20 %**. Et au-delà des aspects purement économiques, les bénéfices en termes de créativité, de dialogue social et d’ambiance sont manifestes.

Alors, que peut-on faire dans une nation qui, depuis des décennies, tente de réduire la fracture sociale à travers des politiques urbaines coûteuses ? Il est peut-être temps d’imaginer une nouvelle politique publique portée par les entreprises, elles-mêmes, aux côtés des acteurs traditionnels. Les transformations profondes de la société et de ses modèles économiques incitent les organisations à casser et adapter leurs processus de recrutement. La facilité du clonage ? Dépassée et anachronique !

À nous de jouer la carte de la proximité avec les diplômés afin de nouer une relation directe, aussi bien dans les quartiers moins privilégiés que dans les zones rurales. L’objectif est de dépasser des idées reçues et accélérer des mouvements vertueux dans leur organisation.

En rencontrant les jeunes, chacun peut exprimer sa propre singularité et sentir au fond une plus grande égalité de traitement, dans un monde où la recommandation voire le piston sont considérés comme indispensables pour décrocher un emploi. En contrant cette idée, on peut assurément dépasser l’autocensure et la lassitude de candidats échaudés par les refus. Une relation équitable peut alors se mettre en place entre le candidat et le recruteur. Tout le monde doit agir. À commencer par l’État, qui doit impulser des mouvements de fond. A cet égard, l'idée de créer une agence France inclusion sous la tutelle de France Travail n'est pas dénuée de sens : elle permettrait d'apporter une réponse spécifique à un problème particulier, celui de l'accès à l'emploi des publics issus de territoires moins favorisés.

Déconstruire les stéréotypes

Mettre en œuvre des méthodes de recrutement moins discriminantes, permettant de déconstruire des stéréotypes trop ancrés, est aujourd'hui nécessaire. Un recrutement basé par exemple exclusivement sur le CV n'est plus de mise.

Cela passe par une plus grande proximité des acteurs, sur le terrain. Et pourquoi ne pas privilégier le savoir-être avant même d'aborder le savoir-faire lors des interactions en face-à-face ?

En matière d’inclusion, l’opération de recrutement menée par Sanofi en partenariat avec la Fondation Mozaïk, qui source les candidats sur la base de leur potentiel et de leurs compétences, coche toutes les cases. L’entreprise, engagée dans une stratégie de long terme en matière d’inclusion, s’est fixée des objectifs très précis : 10% des alternants doivent être issus des Quartiers Prioritaires de la Politique de la Ville (QPV). Sans politique volontariste, il serait illusoire de croire que les choses vont radicalement changer. D’où le programme évènementiel national baptisé « Place d’Avenir » qui vise à aller au contact de milliers de candidats partout en France et notamment ceux issus des QPV et des jeunes en situation de handicap. C’est en ce sens une innovation sociétale incontestable.

Pour rappel, « Place d’Avenir » est un programme de coaching, de networking et de jobdating. Huit évènements sont organisés en France, avec à la clé, plus de 1 600 postes en alternance et en stage à pourvoir chez Sanofi.

Cette opération présente également des vertus en interne car elle mobilise les collaborateurs et managers autour de grandes valeurs, participe à déconstruire les idées reçues chez certaines parties prenantes (RH, managers), tout en associant les acteurs du terrain. Une initiative qui trouve un écho très favorable auprès des équipes qui y voient une vraie source d’inspiration et d’engagement.

Créer une spirale positive

Il ne s’agit pas de s’inscrire dans une vaine démarche de compassion, mais bien de changer la manière de recruter, tout en restant aussi exigeant.

Au-delà de l’opération de job dating, les actions de proximité favorisent le coaching et le réseautage pour des jeunes qui ne disposent pas toujours d’accès à des contacts directs dans les entreprises et/ou de modèles inspirants dans leur environnement personnel. Cet effet miroir est pourtant fondamental. C’est d’ailleurs l’un des points différenciants majeurs avec des jeunes issus de milieux plus favorisés ‘CSP +’ qui accèdent plus facilement aux réseaux professionnels, à des mises en relation plus directes, facilitées par le(s) réseau(x) de leur entourage familial.

Il y a toutes les raisons d’être optimistes. Lorsque qu'un jeune issu des QPV décroche une ‘belle’ alternance, et un job derrière, cela peut avoir également une résonance bénéfique dans l’entourage familial et proche de celui-ci. Il peut, de facto encourager des vocations et devenir inspirant à son tour.

 

Tribune co-signée par Nicolas Pouchain, Responsable Talent Acquisition, Diversité, Equité & Inclusion, Sanofi France, et Saïd Hammouche, Président et Fondateur, Fondation Mozaïk

Les jeunes et l’autocensure en matière d’emploi

Références

*Étude Place d’Avenir « Les jeunes et l’autocensure en matière d’emploi », réalisée par l'institut d'étude CSA Research pour Sanofi en partenariat avec la Fondation Mozaïk, 2024. Étude qualitative et quantitative menée entre le 26 janvier et le 16 février 2024, sur une base de 1 751 jeunes de 18 à 24 ans (représentativité assurée), dont 213 jeunes résidants en Quartier Prioritaire de la Politique de la Ville.

**Femmes d’affaires et femmes cadres : les arguments en faveur du changement, Organisation Internationale du Travail, 2019 – date de consultation : avril 2024