Prise en charge par l’Assurance maladie depuis septembre 2018, la téléconsultation médicale peinait à se démocratiser et à s’ancrer dans les habitudes des médecins généralistes et spécialistes. Le confinement, instauré mi-mars pour lutter contre la pandémie de Covid-19, a fait exploser le recours à cette pratique, avec 1 million de téléconsultations enregistrées par la CNAM pour la seule semaine du 30 mars.

Selon le Docteur Jean-Paul Ortiz, Président de la Confédération des Syndicats Médicaux Français (CSMF), cette crise va accélérer l’adoption de la téléconsultation, et, plus largement, de la télémédecine.

Pourquoi les médecins n’ont-ils pas saisi l’opportunité de recourir à la téléconsultation avant d’y être contraints par la pandémie ?

Dr Ortiz. - La crise sanitaire a joué le rôle d’un accélérateur, permettant de franchir en quelques jours les étapes qui jalonnent habituellement le cycle d’adoption d’une innovation. Il était nécessaire de réduire l’exposition des professionnels et de leurs patients au virus. Et l’appel lancé par les autorités à ne consulter qu’en cas d’urgence a été si bien entendu que les médecins généralistes, et les médecins spécialistes en particulier, ont vu leurs cabinets désertés du jour au lendemain. Ils se sont logiquement inquiétés du suivi de leurs patients, notamment ceux atteints de maladies chroniques (diabète, insuffisance cardiaque…), dont les risques sont accrus dans le contexte du Covid-19. La souscription aux plateformes en ligne permettant la prise de rendez-vous, l’appel vidéo et l’échange sécurisé de documents était jusque-là encore peu répandue chez les médecins. À la faveur de la crise, la plupart des acteurs du marché ont accordé des conditions tarifaires avantageuses (allant jusqu’à la gratuité temporaire), ce qui a permis de démocratiser l’utilisation de leurs solutions. Enfin, le temps de l’état d’urgence sanitaire, les autorités ont procédé à un assouplissement des règles de prise en charge de la téléconsultation par l’Assurance maladie et ont décrété une prise en charge à 100 % des actes de téléconsultation pour tous les patients1. De 40 000 actes en téléconsultation au mois de février, nous sommes passés à un million pour la seule semaine du 30 mars ! 85 % de ces téléconsultations ont d’ailleurs été réalisées entre un patient et un médecin qui se connaissaient, donc dans le respect du parcours de soin, selon la CNAM.

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Quels sont les avantages de la téléconsultation, au-delà de ceux liés au contexte actuel ?

Dr Ortiz.- Dans le plan « Ma santé 2022 », la téléconsultation est présentée notamment comme un moyen de lutter contre les inégalités géographiques d’accès aux soins. Pourtant, ce n’est pas évident, car les déserts médicaux recouvrent en partie les zones blanches, c’est-à-dire mal couvertes par les réseaux de télécommunication. Et c’est aussi au sein de ces zones, principalement rurales, que l’on trouve les personnes les moins familiarisées avec les nouvelles technologies. L’assistance d’un professionnel de santé (infirmier, pharmacien…) peut néanmoins être sollicitée pour permettre les téléconsultations dans ces cas-là.

Aujourd’hui, les populations qui pratiquent le plus la téléconsultation sont les citadins, plutôt jeunes et appartenant aux CSP +. Auxquels s’ajoutent des grands-parents qui se sont mis à utiliser smartphones et tablettes pour garder le lien avec leurs enfants et petits-enfants.

L’intérêt de la téléconsultation, en alternance avec la consultation au cabinet, est de simplifier le suivi des pathologies chroniques, ceci en limitant les déplacements des patients. Cela permet également d’accélérer le délai de prise en charge en cas d’urgence, de pathologie aiguë ponctuelle (les maladies hivernales par exemple) ou nécessitant le concours d’une spécialité peu commune. Enfin, la téléconsultation répond à une grande tendance de la médecine de demain : le patient est, de plus en plus, acteur de sa santé.

Docteur Jean-Paul Ortiz, Président de la Confédération des Syndicats Médicaux Français (CSMF)

L'examen clinique n'est-il pas trop superficiel lors d'une téléconsultation ?

Dr Ortiz.- Pour un médecin qui connaît son patient, voir son visage aide à appréhender son état général. Pour un problème dermatologique, l’examen peut se pratiquer par la vidéo. Et, de plus en plus, les patients sont équipés pour relever certaines de leurs constantes physiologiques : température, tension, taux de glucose pour les diabétiques… Les espaces dédiés à la téléconsultation, qui se développent dans les officines, sont également équipés pour permettre, à distance, un examen clinique plus approfondi. Cela dit, la vidéo est effectivement un média froid : il est impossible de palper, ausculter, jauger la démarche, l’attitude ou encore l’hygiène corporelle d’un patient. Pour ces raisons, la téléconsultation n’a pas vocation à remplacer la consultation, qui doit demeurer un mode privilégié d’accès aux soins.

Une fois l’épidémie passée, le boom de la téléconsultation va-t-il s’estomper ?

Dr Ortiz.- Alors que le déconfinement va bientôt démarrer, cela est peut-être encore difficile à se figurer aujourd’hui, mais rien ne sera plus jamais comme avant. Une épidémie s’arrête lorsque 60 % de la population a développé des anticorps, soit en contractant la maladie soit par la vaccination. Le vaccin contre le Covid-19 n’existe pas encore, il est donc probable que la distanciation sociale soit la norme encore plusieurs mois. Il y aura sans doute un léger fléchissement du nombre de téléconsultations, mais je suis persuadé que la pratique s’est installée durablement dans les habitudes des médecins et des patients. Elle répond à un véritable besoin : fluidifier l’accès aux soins. La CNAM recensait au 7 avril 30 000 médecins pratiquant désormais la téléconsultation de manière régulière. Il faudra progressivement y former l’ensemble des médecins et futurs médecins. À terme, cela ne signifie pas moins de consultations, mais une meilleure prise en charge des patients, et donc une meilleure efficacité de notre système de santé.

Qu’est-ce que la télémédecine?

La télémédecine est définie par l’Article L 6316-1 du Code de la santé publique comme : « une forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l'information et de la communication. Elle met en rapport, entre eux ou avec un patient, un ou plusieurs professionnels de santé, parmi lesquels figure nécessairement un professionnel médical et, le cas échéant, d'autres professionnels apportant leurs soins au patient. » La télémédecine englobe différents actes, lesquels ont pour point commun d’être tous effectués à distance et par au moins un médecin. Ces actes incluent la téléconsultation, la télé-expertise, la télésurveillance, la télé-assistance et la réponse médicale apportée dans le cadre de la régulation médicale.

Toujours en expérimentation, dans le cadre du programme ETAPES, la télésurveillance connaît elle aussi du fait de la crise du Covid-19 un développement important, encouragé afin de faciliter le suivi des patients atteints de pathologies chroniques comme l’insuffisance cardiaque ou le diabète. En effet, ces patients sont plus à risque de développer des formes sévères de Covid-19. La Société Francophone de Diabétologie encourage ainsi les médecins à mettre en place des moyens de télésurveillance avec leurs patients (dans ou en dehors du programme ETAPES), pour assurer un bon suivi des résultats de leurs patients et les aider à adapter leur traitement sans les obliger à se déplacer2. De ce fait, des solutions de télésurveillance du diabète, telles qu’Insulia®, pourraient davantage entrer dans les pratiques des médecins.

Références

  1. Société Francophone du Diabète : Covid-19 et diabete etat des lieux

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